L’objectif 80 mm, le meilleur outil pour être créatif en vidéo

À l’heure où la profusion de matériel audiovisuel fait tourner la tête, je cherche parfois la simplicité : emporter en tournage un seul objectif « portrait » à grande ouverture, un excellent moyen de jouer avec les contraintes et de continuer à être un vidéaste créatif. 

© Marcos Paulo Prados / Unsplash

Sommaire :

Si je devais choisir un objectif unique à emmener sur une île déserte, ce serait celui-ci : une focale fixe 50 mm en capteur APS-C (éq. plein format : 80 mm) à grande ouverture, f/2 ou moins. Je vais être provocateur : très souvent, poser un zoom sur votre boîtier est une mauvaise idée. Il risque de vous transformer en photographe ou vidéaste paresseux et peu original, quand une focale fixe vous rend exigeant et inventif. 

La focale fixe vous rapproche de votre sujet

Premier avantage de la focale fixe de 80 ou 85 mm en équivalent plein format : être assez près du sujet. Une des erreurs les plus fréquentes du débutant est en effet de choisir (souvent sans avoir conscience) un cadrage trop large. Par exemple, les personnes sont photographiées en pied, avec de trop nombreux éléments de décor autour : on est trop loin pour saisir les expressions du visage, aucun détail ne ressort vraiment. Résultat : une faible connexion émotionnelle avec le spectateur. 

Une focale fixe ne sert pas qu’au portrait : elle permet d’attirer l’attention aisément sur certains détails de votre sujet © Aymeric Guittet / Miage Films

Il y a un adage en photographie qui dit : « Rapprochez-vous. Rapprochez-vous encore ». Voir les mollets d’une personne et le vaste décor dans lequel a été pris la photo, n’est pas toujours pertinent. Ce qui va intéresser la personne qui va regarder votre photo ou votre vidéo, c’est le regard du personnage, l’expression de sa bouche, le vent dans ses cheveux, l’harmonie ou le contraste de ses vêtements avec l’arrière-plan… Autant de choses que l’on ne saisit pas avec un grand-angle. 

La focale fixe (ici un équivalent 85 mm) connecte aisément avec le regard et le visage de son sujet © Aymeric Guittet / Miage Films

La focale fixe 80 mm permet au contraire ce grand bond vers l’avant. Pas le choix ! On est projeté sur la personne ou sur l’objet, on entre dans son intimité, dans son détail. On voit moins, mais on est tout de suite immergé. Notre regard se focalise sur un ou deux éléments vraiment importants. Voilà pourquoi ce type d’optique est idéal en portrait, mais est également précieux pour mettre en valeur un produit et ses détails.

La focale fixe vous rend plus créatif

Deuxième atout de la focale fixe téléobjectif, nous forcer à imaginer une composition d’image originale. Comme la lentille nous rend très proches du sujet, il faut réfléchir à la manière dont nous intégrons l’environnement et le premier plan dans le cadre. Instinctivement, le vidéaste ou photographe va « zoomer avec les pieds », c’est-à-dire qu’il se déplacera autour de son sujet pour trouver les meilleures angles de prises de vue. 

Quand on a pas le choix du zoom, on se force à composer différemment © Aymeric Guittet / Miage Films

C’est ce jeu de mouvement contraint qui va rendre sa composition unique et belle. A l’opposé, un vidéaste ou photographe avec un objectif zoom aura tendance (presque malgré lui) à simplement rester là où il est et à zoomer/dézoomer. Si cette possibilité est vitale sur un événement ou un reportage où il faut être réactif, elle risque de desservir le cadreur le reste du temps. 

La focale fixe crée de jolis bokehs

Troisième avantage de la focale fixe 80 / 85 mm en photo et en vidéo : l’arrière-plan flouté, aussi appellé bokeh. Par un jeu de mécanique optique expliqué ici, plus votre objectif zoome sur votre sujet, plus l’arrière-plan sera flou. Pensez par exemple aux photos de joueurs sur la pelouse d’un stade ou aux images animalières : ces photos sont prises de très loin, avec de gros téléobjectifs (200 mm et plus). Le sujet est net, mais l’arrière-plan très dilué, ses éléments réduits à des formes et couleurs vagues. 

Avec un 80 mm, nous avons cet effet de bokeh, mais en moins prononcé : le sujet se détache assez pour que nous nous concentrions sur lui, mais les détails du décor demeurent présents. Encore mieux, il est possible de jouer avec pour les intégrer au cadre, soit en tant que premier plan flou, soit en tant que bel arrière-plan. Cela donne une profondeur à la composition, qui permet de dépasser le côté « 2 dimensions » et d’immerger davantage votre audience. 

Crépuscule sur le lac Majeur © Aymeric Guittet / Miage Films

Plus l’ouverture de votre focale fixe est grande, plus il vous sera possible de jouer avec ce flou. Bonne nouvelle, on trouve des optiques bon marché (150€ et moins d’occasion) disposant d’une grande ouverture : Canon EF 50 mm 1.8, Lumix 42.5 mm 1.7… C’est donc, pour moi, le premier objectif à acheter quand on débute en photo ou vidéo !

La focale fixe oblige à bien penser sa composition, et à resserrer le cadre sur ce qui compte vraiment © Aymeric Guittet / Miage Films

Ensuite, sans céder au Gear Acquisition Syndrom, on pourra rechercher des focales fixes plus lumineuses (= ouvrant à f/1.4, 1.2 ou encore moins) ou produisant des bokehs particuliers (vieux modèles, anamorphiques… ), afin d’ajouter une esthétique particulière à l’image.

La focale fixe crée du sens

Enfin, dernier aspect, lié aux précédents : une focale fixe 80 mm lie de manière intime les différents plans entre eux. Votre sujet, au premier plan par exemple, apparaîtra plus proche de son arrière-plan qu’il ne l’est en réalité. Cela permet de donner plus de force et de dynamisme à l’image, et parfois d’ajouter une couche de sens : le personnage semble tout près de la montagne qu’il regarde, le petit garçon manque d’être happé par une vague terrifiante… 

Le sujet de ce portrait documentaire est cadré au 85 mm, ce qui rapproche les éléments environnants © Aymeric Guittet / Miage Films

En conclusion, cet article n’est pas un pamphlet contre les objectifs à focale variable, ou zooms. Bien sûr qu’un objectif zoom est utile et produit aussi de belles images. J’en possède moi-même plusieurs, très utiles pour couvrir des événements ou des shootings où la vitesse d’exécution est essentielle. Mais le reste du temps, pour les prestations plus calmes (produit, documentaire…) ou pour mes projets personnels, j’utilise surtout la focale fixe. J’aime la contrainte et la simplicité que cela implique. D’ailleurs, peut-être que ma prochaine acquisition sera une autre focale fixe, en ultra grand-angle cette fois ! —

PAGE PRINCIPALE DU BLOG

Aymeric Guittet

Réalisateur et journaliste basé dans les Alpes, je réalise des films documentaires, des reportages et de la captation vidéo d’événements.

https://aymericguittet.com
Précédent
Précédent

7 conseils pour bien choisir un vidéaste

Suivant
Suivant

Pourquoi votre iPhone n’est pas une caméra professionnelle